Mon 1er jour au Maroc – entre galères, émerveillement et dépaysement total
Tout commence à l’aéroport, là où une première « galère » me fait sourire : je me rends compte que mon multioutil est resté dans mon sac à dos. Heureusement, j’ai encore le temps de mettre ce dernier en soute.
Arrivée à Marrakech : chaleur douce, premiers regards curieux, les sens s’éveillent. On change des euros contre des dirhams et on récupère les cartons contenant nos vélos – l’outil de notre petite aventure marocaine. Dès la sortie de la douane (où l’on nous demande poliment notre métier et où l’on dort ce soir), on s’équipe : carte SIM Orange avec data – indispensable pour s’orienter dans le chaos organisé de Marrakech.

On négocie un taxi privé jusqu’à l’hôtel où l’on dormira… le dernier jour (astuce d’organisation n°1 : un bon hôtel accepte souvent de garder des cartons pendant votre périple). Arrivés dans les ruelles piétonnes, deux gars nous aident à transporter nos affaires contre quelques dirhams. Marrakech a déjà ce charme brut où l’entraide flirte avec le service monnayé.

On monte les vélos non loin des souks, guidés par les sons, les couleurs, les odeurs – c’est un choc culturel immédiat, et délicieux. Direction la gare routière. Mais là, un panneau indique clairement l’interdiction d’entrer avec des vélos. Un inconnu bienveillant nous propose une solution de l’ombre – une porte secondaire, un gardien et deux dirhams suffisent. Il nous déniche un bus pour Ouarzazate… qui part dans la foulée. On charge les vélos, on paie en cash, et c’est parti.
Sur la route : montée vers l’Atlas, les flancs rouges creusés dans la roche, des éboulis, des klaxons incessants – le chauffeur semble connaître tout le monde. Soudain, il s’arrête au bord d’un col, coupe le moteur et descend. Un gars fait un barbecue, un café, une petite épicerie : pause déjeuner improvisée. Je prends un sandwich aux œufs tout juste préparé, Dimitri passe son tour – victime du mal des transports.

À 16h, on arrive à Ouarzazate. Accueillis par un local chaleureux, probablement guidé par un intérêt commercial, mais la discussion est agréable. Il est guide, nous vante le désert (qu’on ne verra pas cette fois) et nous laisse sa carte. Petite anecdote : il croit que mon tatouage représente une mosquée. Non monsieur, c’est un phare. Éclat de rire partagé.
Dernière étape : on pédale jusqu’à l’hôtel Rose Noire – magnifique maison familiale transformée en hôtel par une des filles de la famille. Merci à Richard pour cette perle. On se douche, on souffle, il est 17h.

Mais l’envie de découvrir est plus forte que la fatigue. On part explorer la kasbah, seuls touristes dans des ruelles un peu abîmées mais pleines de vie. Ambiance « OSS 117 » dans les ruelles étroites, on croise des regards curieux, parfois insistants, mais jamais hostiles.

Le resto conseillé par l’hôtel est fermé. On déambule dans les souks, esquivant les vendeurs un peu trop convaincants, et même le musicien de rue dont la musique est pourtant superbe – la méfiance est parfois nécessaire, même si elle coûte un peu de magie.

On tente le palais (fermé pour travaux), et là, un « guide » improvisé veut nous faire payer pour un tour qu’on vient littéralement de faire. On décline poliment mais fermement.
Enfin, retour au restaurant Manar du Sud, cette fois ouvert. Tajines de poulet et brochettes succulentes. À côté, une bande d’étudiants nous demande si leur musique dérange. Pas du tout, on en profite pour discuter : ils préparent un échange à Strasbourg, ils sont en école de commerce.
Sur le chemin du retour, la place est encore animée. Les mêmes enfants jouent au foot. Un petit curieux me demande ce que représente mon tatouage – un lynx – et je lui réponds avec un sourire.
Avant d’aller nous coucher, on profite du coucher de soleil sur le toit terrasse avec l’adhan en fond sonore.

Ce premier jour, c’est un concentré de tout ce qu’on attend du voyage : des imprévus, de l’humain, des saveurs nouvelles, du stress vite oublié, et des souvenirs instantanés. Mais soyons clairs : sans un minimum de préparation (logistique, langage, monnaie, itinéraire vélo/bus/hébergement), ce genre de périple peut vite virer au cauchemar.
Donc si vous voulez vivre ce genre d’aventure, faites-vous aider. Par quelqu’un qui connaît, qui a testé, et qui peut transformer les galères en souvenirs croustillants.
Jour 2 : De la kasbah aux confins de l’Atlas – la vraie mise en selle
Après un solide petit-déjeuner sur la terrasse rose de l’hôtel Rose Noire, le soleil est déjà haut quand nous quittons Ouarzazate. Les premiers coups de pédale longent les trottoirs désertés ; très vite, l’asphalte laisse place à une piste couverte de gravats et de déchets de chantier. Pas glamour… mais le Maroc connaît toujours l’art du contraste : il faut accepter quelques kilomètres « pas Instagramables » avant d’atteindre la magie.

Des militaires et un silence que l’on n’imagine pas
À la barrière d’une zone militaire, deux soldats nous regardent passer avec un fatalisme amusé : « Allez-y ! ». La trace GPS mène plein nord. Dès que l’on s’arrête, un silence absolu tombe. Pas de vent, plus de moteur, aucun insecte – uniquement le froissement des pneus qui finit par s’éteindre quand on s’arrête. On se sent minuscules, seuls… alors que la route nationale n’est qu’à quelques kilomètres « à vol de dromadaire ».

Décor de cinéma en plein désert
Surgit soudain un décor improbable, clôtures rouillées, carcasse de jet marocain, sous-marin échoué au milieu de nulle part – un reliquat de tournage d’Atlas Studios. Une silhouette garde l’endroit ; pas envie de jouer les figurants, on poursuit notre trace GPS.

On ne croise que deux 4×4 poussiéreux et trois motards en vieilles Transalp. Chacun lance un bras en signe de fraternité mécanique.



Aït-Ben-Haddou, entrée des artistes
Nous plongeons sur Aït-Ben-Haddou par son côté « coulisses » : ruelles en pisé, chèvres flâneuses, zéros touristes. Un gamin sort de nulle part pour un check de la main, des « ça va ? » fusent – miroir parfait : on répond « ça va ! ».
À 500 m, l’autre versant est noir de bus ; les guides en gandoura mènent des grappes multicolores. Deux touristes juchés sur des dromadaires posent devant le ksar classé UNESCO ; cliché ? Oui. Magique ? Aussi.

Nous traversons à vélo le lit de l’oued Ounila – pendant que les chaussures immaculées sautillent de pierre en pierre sur un pont improvisé. À l’entrée, on nous demande de poser les vélos et de payer la visite ; un homme élégant intervient :
« Laissez-les passer, je suis le propriétaire. »
Bingo : visite « VIP » avec nos destriers, au pas parmi la foule. Ça valait le détour.

Jus d’orange, tacos et muezzin: Sortis de la cohue, un café propose un jus d’orange pressé dont on se souviendra. On complète par un tacos poulet-frites sous la mélodie grave de l’adhan diffusé par la mosquée.
Remonter la vallée d’Ounila, le contraste à chaque virage
La route qui suit le lit verdoyant de l’oued est quasiment vide ; heureusement, car la chaleur tape. Le vert éclatant du fond de vallée tranche avec la caillasse ocre et les falaises rouges. Les villages s’enchaînent : minarets carrés, maisons en pisé qui paraissent abandonnées mais abritent toujours une vie discrète. Les conducteurs de Land Cruiser touristiques, les chauffeurs de camions, même les mobylettes – tout le monde nous saluent ou lève le pouce : encouragements qui rechargent les batteries mentales.

Dans un hameau avant les lacets, on s’offre un thé. La mamie, muette de français mais riche en hospitalité, apporte la théière fumante et une poignée de fruits secs. On n’arrive pas à comprendre le prix ; 40 dirhams et une grosse bouteille d’eau plus tard, son sourire vaut toutes les devises.


Dernière ascension jusqu’à 1 900 m
La pente devient sérieuse ; Dim souffre, mais chaque virage découvre un décor neuf : ici des pins étonnamment alpins à 1 800 m, là un vieux camion qui en tracte un second encore plus vieux, reliés par une corde. Au sommet du col (1 900 m, pas de panneau), l’Atlas s’ouvre comme un livre d’images.

Telouet, fin de chapitre
La descente file, brutalement verte : lopins de blé ondulent, les pierres disparaissent sous les cultures. À Telouet, les rabatteurs nous attaquent pour hébergements et couscous ; on a déjà réservé : hôtel Tizi. En arrivant devant la maison, personne ne répond ; le numéro indiqué sur la porte d’entrée parait non attribué. Quand le doute s’installe, un homme arrive à pied, je lui demande s’il connaît la maison Tizi. « Je suis le propriétaire ». Ouverture express, chambre simple, douche salvatrice.
Le dîner ? Chez Rachid, conseillé par notre hôte. Tajine de viande hachée, frites maison, salade tomates-oignons : avalanche de calories qui remet les compteurs à zéro.
À 21 h, la lumière baisse, la kasbah du Glaoui se découpe en ombre chinoise, et l’on comprend pourquoi les films d’aventure adorent ce coin de montagne.

Une bonne préparation
Navigation : la trace GPS est reine ; sans repères, on tournerait vite en rond entre oueds et pistes militaires.
Hydratation & nourriture : pas d’épicerie every 10 km ; il faut prévoir eau + snacks, ou connaître les villages-théière.
Logistique hôtel / sac / cartons : réserver, confirmer, savoir où faire garder les cartons vélo, … ça fait la différence entre aventure et galère.
Respect local : savoir quand négocier, quand payer, quand sourire – c’est un art qui s’apprend.
Bref : l’Atlas à vélo, c’est la liberté XXL, mais avec un fil d’Ariane soigneusement tressé.
Jour 3 – Le col Tizi N’Tichka, la lumière, et une soirée d’anniversaire inattendue
Après deux jours d’immersion, on commence à s’habituer au rythme marocain: thé brûlant, sacoches fixées, rythme de vie à la cool. Mais ce matin à Telouet, l’appel du goudron est plus fort que celui du thé : quelques locaux nous font signe, probablement pour nous inviter à partager un verre ou proposer un service – mais on file. On sent que cette journée sera longue.
Le froid de l’altitude s’oublie vite : la lumière matinale caresse les crêtes que l’on n’avait vues qu’à contre-jour la veille. La descente est magique. Les montagnes rouge brique, les courbes de la route, les jeux d’ombre – tout évoque un road trip dans l’Utah. Mais ici, pas de pickup. Seulement deux cyclistes et le chant des pneus.

Dim peine à monter : peu d’entraînement, mais beaucoup de volonté. J’en profite pour faire des photos ; le rythme est lent, mais on savoure. Chaque virage est un cliché potentiel. Et pendant que je joue les photographes, Dim trace sa route avec une régularité impressionnante.




Rejoindre la nationale, le col, le monde
Les 4×4 continuent de nous saluer, pouces en l’air, parfois avec un sourire de respect. On rejoint enfin la nationale – et son flot de camions. Le contraste est brutal, le trafic nous bouscule un peu. Encore une montée, longue, chaude, sans fin pour Dimitri.

Au col, à 2 200 m, récompense : brochettes de poulet bien grillées, bracelets colorés et géodes à marchander. L’air est vif, on remet les coupe-vent avant de plonger dans une descente de 30 km. D’abord froide, elle devient plus douce à mesure que l’altitude chute. À 1 300 m, vestes rangées, chaleur retrouvée.
Un plan qui change… pour le meilleur
Initialement, j’avais prévu un détour costaud de 5 km de montée pour rejoindre l’hôtel par un col ouest, pour sortir de la nationale, mais on joue la carte de la prudence. On reste sur la nationale, pensant que ce sera tout schuss – erreur : encore 200 m de dénivelé positif, non prévu. Heureusement, une épicerie de bord de route nous sauve. Pendant qu’on remplit les gourdes, l’appel à la prière résonne dans l’air chaud.
Touama, et l’hôtel inattendu

À Touama, on quitte la nationale pour une petite route de campagne: quelques virages, un silence de fin de journée, et puis… l’hôtel. Une oasis.
Thé de bienvenue servi avec grâce. Surprise : surclassement dans une suite luxe, comme une petite récompense de fin d’étape. On découvre une terrasse gigantesque, vue à 360°, lumière dorée du soir, silence complet. Luxe discret mais touchant.

Un anniversaire pas comme les autres

Cocktail sans alcool pour trinquer au soleil couchant, puis dîner fabuleux : Côtes de bœuf mijotées, Couscous sucré aux épices, Salade avocat-mangue-concombre pour rafraîchir le tout.

Et là, la surprise que je n’attendais pas : Dim, complice discret, avait prévu des bougies « 40 ans ». Le serveur arrive avec une salade de fruits illuminée et lance une chanson d’anniversaire. Les autres clients, deux couples français et un couple hollandais, se joignent aux vœux dans une ambiance douce et bienveillante. Pas de chichi, juste un moment simple et vrai.

Je retiens la beauté de la route entre Telouet et Touama, peu touristique mais absolument sublime. L’importance d’improviser, de savoir ajuster l’itinéraire selon l’état du corps et du moral. Et surtout, que les moments les plus précieux ne sont pas toujours ceux qu’on planifie.
Jour 4 – Derniers tours de roue, premiers souvenirs impérissables
Dernier jour de vélo, on se prépare un thé pour le boire sur le toit terrasse, avec une vue à 360, d’un côté l’Atlas au versant bien vert et de l’autre, les champs et pleines plus arides.

10h47 – Départ tardif ? Oui. Mais difficile de faire mieux après un petit-déjeuner royal en terrasse et un plongeon matinal dans la piscine. Ce dernier jour à vélo commence avec un parfum de luxe, presque un goût de fin de voyage, et pourtant… la journée va encore nous en mettre plein la vue.

Pistes, sourires et paysages incroyables

On quitte le confort de l’hôtel pour retrouver la piste. Rapidement, l’Atlas se dessine à l’horizon, majestueux, pendant que sous nos roues défilent les champs verdoyants, les oliviers, et parfois, la poussière d’un chemin isolé.

Chaque kilomètre est un décor nouveau.

Des villages reculés, où les enfants nous courent après, parfois pour un simple bonjour, parfois pour quelques dirhams.
Des bergers guidant leurs troupeaux dans des scènes dignes d’une peinture berbère.


Et cette tortue, improbable, immobile au milieu de la piste : je la déplace avec douceur, symbole lent et fragile dans notre aventure dynamique.

On grimpe sous un soleil humide, pas un souffle de vent, et la chaleur colle à la peau. Plus loin, on longe une mine de sel, blanche et surréelle au milieu de la terre ocre.


Pause pain, sourire d’école, et ligne droite finale
Dans un petit village, une épicerie nous sauve la mise : du pain, des boîtes de thon, et surtout un moment de joie avec les enfants qui sortent de l’école et accourent vers nous. Ils rigolent, posent des questions, nous regardent avec des yeux brillants d’étonnement.
Mais Marrakech se rapproche. Et avec elle, un autre visage du Maroc.
On traverse une zone de marché qui remballe, puis une route bordée de détritus, l’odeur s’invite malgré nous. On découvre ce que le guide touristique ne montre pas : l’envers du décor. Et pourtant, ce contraste rend l’arrivée d’autant plus marquante.
Marrakech, oasis finale

En longeant le palais royal, gardé par des militaires impassibles, on rejoint enfin la kasbah par une ruelle étroite, guidés par ma trace GPS. Et là, derrière une porte en bois sculpté, le paradis.
Le propriétaire du riad, ancien directeur d’un grande agence de voyage, nous accueille avec chaleur. Il comprend immédiatement ce qu’on vient de vivre. Il est bluffé. Il nous surclasse dans la plus grande suite, avec un regard de fierté admirative. Douches. Massage. Piscine. Un dîner de récompense.
Le soir, dans le patio ombragé, le dîner est un poème : Quatre salades marocaines, dont un surprenant navet confit, un tajine de poulet citron parfaitement équilibré, des légumes fondants, cuisinés avec patience.
Pas besoin de vin, l’euphorie suffit.

A retenir:
La beauté des pistes inconnues à quelques encablures de Marrakech.
La gentillesse désarmante des enfants et des villageois.
Le contraste brutal entre nature généreuse et déchets envahissants à l’entrée de la ville.
Et l’incroyable hospitalité marocaine, même au cœur d’un riad chic.
Si vous rêvez d’un voyage à vélo où chaque journée est un mélange d’effort, de rencontres et de poésie… alors foncez. Mais préparez-vous. Parce que vivre ça, c’est aussi gérer les sacs, les traces GPS, la météo, les imprévus.
Ça ne s’improvise pas. Mais ça transforme.
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