Récit d’une sortie longue des Monts du lyonnais jusqu’à Annecy

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Vendredi soir, les sacoches soigneusement bouclées pour un bivouac, je me lance dans une sortie d’un peu plus de 70 kilomètres en direction de Crémieu, première étape vers Annecy. Le soleil est là, les lilas embaument les routes de campagne, et l’envie de rouler est immense. Dès les premières descentes, je goûte à la liberté… mais aussi à quelques insectes en pleine figure. La circulation est dense, comme on peut s’y attendre en fin de semaine, ce qui rend l’effort un peu plus usant.

bikepacking canyon
© Gérald Karsznia

Rapidement, je m’arrête en bord de route pour ajuster le dérailleur arrière : les vitesses sautent sans cesse. Il suffit de retendre le câble pour tout remettre en ordre, et je repars confiant.

Mais à peine arrivé à Montanay, au bout de 30 kilomètres et une bonne heure de roulage, en plein montée, je descends une vitesse de trop et la chaîne se coince entre les rayons et la cassette. Le dérailleur est emporté, plié en deux. C’est la fin brutale de cette première tentative.

casse derailleur shimano 105
© Gérald Karsznia

Je peste un instant… mais très vite, une idée me redonne le sourire : repartir le lendemain, à 5h du matin.

De retour à la maison, je démonte le dérailleur du Diverge pour l’adapter sur le Canyon. Mais le câble est trop court et je n’en ai pas un neuf sous la main. Pas grave : je remonte tout sur le Diverge, mon ancien gravel qui roule toujours, intervertis les roues, ajuste les freins à disque, et refais mes sacoches en version minimaliste. Cette fois, pas de tente ni de matériel de bivouac : ce sera du léger, du direct.


À 5h, quand tout recommence

Le samedi, je pars à 5h, dans la nuit noire. Il fait froid, la lune est pleine, et la route est à moi. Aucun bruit, aucune voiture, juste le crissement des pneus sur l’asphalte gelé. Peu à peu, les oiseaux commencent à chanter, et sur le plateau de l’Ain, les Alpes se dessinent à l’horizon. Le Mont Blanc, majestueux, apparaît dans les premières lueurs. Ces moments de silence et de beauté valent toutes les difficultés.

sunrise diverge
© Gérald Karsznia

Le soleil se lève enfin après deux heures de route. Il fait encore très froid, mais ses rayons réchauffent un peu les jambes et surtout le moral. Au kilomètre 80, je m’arrête à Saint-Sorlin : café et pain au chocolat, petite récompense avant d’attaquer le col de Portes.

coffee garmin
© Gérald Karsznia

La montée fait du bien, elle réchauffe le corps… jusqu’au sommet, à 1000 mètres d’altitude, où la pluie fait son apparition. Je m’abrite rapidement, rejoins bientôt par un autre cycliste venu du versant opposé. Après quelques mots échangés, chacun repart de son côté.

col de Portes montée
© Gérald Karsznia

La descente est très froide, à tel point que je suis au ralenti, la route détrempée, mon corps est crispé par l’humidité et le vent. Deux chevreuils passent dans la forêt en me regardant. Plus bas, la température s’adoucit.

col de Portes
© Gérald Karsznia

À Contrevoz, au kilomètre 110, une boulangerie salvatrice m’offre un café brûlant et une délicieuse quiche. Installé à une table, je regarde la chair de poule sur mes jambes : souvenir direct du froid traversé.

café quiche
© Gérald Karsznia

Rouler vers le soleil

Je retrouve la ViaRhôna à Belley. Le soleil revient, je retire une couche de vêtements, le moral monte en flèche.

viarhona
© Gérald Karsznia – viarhona

À Chanaz, une course contre la montre se prépare. Les coureurs s’échauffent, leurs vélos sont des merveilles de technologie. Je me sens un peu décalé avec mon chargement, mais heureux d’être là, dans cette ambiance vibrante.

Au kilomètre 138, j’arrive au lac du Bourget. Le soleil est bien installé.

lac du Bourget
© Gérald Karsznia – lac du Bourget

Je m’arrête au port de Châtillon, m’offre une bière fraîche et une brochette de poulet accompagnée de frites, face au lac. Un vrai moment de bonheur.

bière lac du bourget casque vélo
© Gérald Karsznia

Le plus dur, ensuite, c’est de repartir. Car m’attend le col de la Chambotte. Les pourcentages sont rudes, et avec les kilomètres accumulés, cette ascension pique. Je m’arrête plusieurs fois, souffle, repars. La vue sur le lac aide à tenir.

col de la chambiotte
© Gérald Karsznia

Passé le col, une belle descente m’attend, puis les derniers kilomètres, un peu plus roulants mais sur une route fréquentée. Encore quelques centaines de mètres de dénivelé, puis j’atteins enfin Annecy. Il y a du monde, beaucoup de monde. Le contraste avec la solitude des routes de montagne est frappant. Je m’y perds un peu, mais je souris : j’y suis arrivé.

lac d'Annecy
© Gérald Karsznia – lac d’Annecy

174,5km 2583MD+ 8h12 de roulage, 21,3kmh de moyenne


Fatigue, fierté et gratitude

Le retour se fait en TER jusqu’à la maison avec un changement à Lyon. Le train me berce doucement, je suis vidé, mais comblé. Ce périple, qui avait si mal commencé, devient un souvenir fort, presque fondateur.

C’est dans ces efforts, ces imprévus, ces ajustements de dernière minute et ces moments de découragement qu’on puise quelque chose de précieux. Oui, c’est dur. Oui, c’est physique. Mais avec un peu de préparation, un mental bien accroché, et une pincée d’adaptabilité, on peut accomplir de belles choses. Et surtout, on apprend à apprécier chaque instant : un café chaud après le froid, une éclaircie au sommet, une brochette au bord d’un lac.

Je repars avec une immense gratitude : pour mon corps qui suit, pour les paysages traversés, pour les galères qui deviennent anecdotes, et pour cette liberté qu’offre le vélo. Une liberté qu’on gagne à la force des mollets, et qui, une fois goûtée, ne nous quitte plus.

Matériel emporté

La casse du dérailleur et donc l’annulation de ma nuit en bivouac m’a permis de partir beaucoup plus léger. Plus besoin d’emporter mon matériel de bivouac ni celui pour me faire à manger.

  • Eclairage avant Lezyne Micro Drive Pro 1000+: huit LED et une puissance maximale de 1000 lumens. Acheté il y a exactement 1 an, l’autonomie était de 60 heures. Désormais, elle n’est que de quelques heures. Je crois qu’elle s’est éteinte quand il faisait jour, donc après 2h à éclairage constant.
  • J’ai aussi pris une frontale LedLenser 1000lm que j’ai installée sur le casque
  • Eclairage arrière Bontrager Flare RT USB qui peut aller jusqu’à 90 lumens en mode clignotement, visible à 2 km de jour mais il est désormais interdit d’avoir un éclairage clignotant, le mode fixe éclaire à 25LM pour une autonomie de 4 heures 30, ce qui permet tout de même d’être vu en plus de mon gilet P2R Aurora Reflective Gilet Neon Yellow
  • GPS GARMIN Edge 1040 Cycling, et son écran couleur, m’a permis de suivre la trace que j’avais préparé la veille ainsi que de suivre l’avancé des ascensions avec les km restants, le dénivelé restant et le pourcentage.
  • La caméra Insta360 pour quelques souvenirs sans se soucier de l’angle de prise de vue.
  • Une batterie externe si un des appareils se vide plus vite que prévu.
Matériel électronique
© Gérald Karsznia

Pour réparer en cas de problème mécanique autre qu’une casse de dérailleur…

  • un multioutil pour démonter les roues ou resserrer éventuellement une vis.
  • 2 démontes pneus
  • un dérive-chaîne
  • des rustines autocollantes, une patte de dérailleur et 2 maillons rapides
  • un couteau
  • une couverture de survie
  • de la crème solaire
  • le tout rangé dans la sacoche top-tube
Kit de réparation et survie
© Gérald Karsznia

Des vêtements de rechange pour le retour en train, dans une housse de rangement que j’ai placé dans la sacoche de tige de selle.

vêtements de rechange
© Gérald Karsznia

Une poche d’eau de 2 litres dans un sac à dos de type camelbak. J’ai eu besoin de remplir qu’un litre de plus pendant la pause de déjeuner.

J’ai préféré une poche d’eau que des bidons car en plus d’emporter plus de litres, il est possible de boire tout en ayant les deux mains sur le guidon contrairement à un bidon.

poche d'eau camelbak
© Gérald Karsznia

Alimentation

Pour ce périple, j’ai préparé des barres énergétiques maison:

barres énergétiques maison
© Gérald Karsznia
  • Noix de Pécan
  • Noisettes
  • Noix de Cajou
  • Flocons d’avoine
  • Raisins secs
  • 1 banane
  • 1 cuillère à café de miel
  • Le tout broyé, mélangé, écrasé dans un plat, mis au frigo avant des découper au couteau et emballer dans des films transparents
fabrication barre énergétiques maison
© Gérald Karsznia

Enseignements

Même si ce n’était pas ma première sortie de cette distance, j’ai tout de même tiré quelques leçons pour les prochaines fois. Le froid, d’abord, que j’ai clairement sous-estimé au petit matin. J’ai opté pour un coupe-vent, pensant que la première côte suffirait à me réchauffer, alors qu’une doudoune légère aurait été bien plus efficace. Ensuite, la petite pluie surprise en haut du col de Portes a trempé mes gants. Une seconde paire au fond de la sacoche m’aurait permis de gagner du temps et d’éviter une descente crispée à tenter de réchauffer mes mains gelées.

J’ai aussi réalisé qu’avoir repéré à l’avance les boulangeries ou cafés ouverts le long du parcours m’aurait évité quelques déceptions, surtout dans les villages encore endormis. Cela dit, cette part d’incertitude fait aussi le charme de l’aventure : on ne sait jamais vraiment ce qu’on va trouver, et c’est aussi ce qui rend chaque arrêt plus précieux.

Enfin, placer deux cols assez raides dans une sortie longue de 174 km, c’était sans doute un peu ambitieux. Peut-être qu’en suivant la ViaRhôna sur une plus grande portion, j’aurais économisé un peu d’énergie. Mais au final, ce fut un excellent entraînement, une sortie exigeante et riche, dont je garde surtout le souvenir d’un bel effort accompli — et l’envie de recommencer, un peu mieux préparé.


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